2.1 - Communication instrumentale

La communication peut être utilisée comme instrument d'une politique de trois façons différentes :

- La communication peut soutenir d'autres instruments...

- La communication est toujours inhérente aux instruments...

- La communication peut être un instrument en soi.

mise à jour: 01/01/2002

 

Instruments (ou modes d'actions) pour l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques

Causes des problèmes - Solutions aux problèmes

La communication comme instrument d'une politique : quand l'utiliser et ce qu'elle permet d'obtenir

Développer une campagne de communication instrumentale

Ce que la communication instrumentale ne peut pas réaliser


2.1.1 Instruments (ou modes d'actions) pour l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques

Voir aussi

1.5.3

Les gouvernements élaborent des politiques pour résoudre les problèmes de la société. Souvent, résoudre ces problèmes signifie changer les comportements. Tous les écologistes savent que le problème du déclin de la biodiversité ne peut trouver de solution sans l'évolution des manières d'agir des différents groupes concernés: les gouvernements devraient créer de meilleures conditions légales et financières pour la conservation de la nature, les exploitants forestiers devraient respecter l'écologie, les agriculteurs devraient travailler en veillant à la conservation de la nature (ou, comme cela est le cas dans certaines régions d'Europe, pourraient vendre une partie de leurs terres aux organisations de conservation de la nature).

Il existe plusieurs "instruments" que les décideurs peuvent utiliser pour l'élaboration de politiques destinées à résoudre les problèmes et à obtenir les changements de comportement nécessaires. Ces instruments peuvent être appliqués de plusieurs façons pour la conservation de la nature. Ils se partagent pour l'essentiel en deux catégories: INSTRUMENTS QUI OBLIGENT à un changement de comportement et INSTRUMENTS QUI DEMANDENT un changement volontaire du comportement.

Régulation

La régulation prend souvent la forme de lois ou règlements officiels. Elle vise un changement obligatoire de comportement : par le biais de règlements et de statuts. vous pouvez interdire aux touristes l'entrée à des sites vtllnérables ou obliger les agrioulteurs à prendre des mesures de conservation de la nature. L'image donnée par la loi el la réglementatIon est celle d'un instrument "puissant" dans l'application des politiques mais. dans la pratIque, nous constatons souvent que ces règles ne sont pas suivies.

Parfois, il est impossIble de les faire appliquer; ceci est particulièrement difficile dans le cadre de la législation sur l'environnement : vous ne pouvez pas placer un gendarme derrière chaque arbre. le problème du non-respect devient encore plus aigu lorsque les règles elles-mêmes ne sont pas convaincantes : les gens ne se sentent pas motivés ou ne voient pas de raison d'adhérer à ces règles. Il arrive même qu'ils ne sachent pas que des règles existent. Outre les limitations concernant sa mise en oeuvre, le développement d'une législation est un processus qui prend du temps et se caractérise par de nombreuses et lentes négociations au sein des pouvoirs publics et entre celui-ci et les différents groupes sociaux.

Dispositifs

Les dispositifs sont des équipements. aménagements et infrastructures qui "guident" le comportement humain. Des exemples peuvent être une barrière autour d'une zone sensible de nidification ou des poubelles pour recevoir les déchets. Les dispositifs peuvent être obligatoires (les barrières ne laissent pas de choix aux promeneurs - ils ne peuvent tout simplement pas accéder à la zone) ou volontaires (même en fournissant des poubelles, les promeneurs pourront toujours jeter  leurs déchets par terre). Les dispositifs peuvent être très efficaces pour guider le changement de comportement. Avec un système de routes et chemins bien conçu, les visiteurs peuvent être éloignés des parties les plus vulnérables des zones naturelles. L'un des problèmes posés par les dispositifs, c'est qu'ils peuvent affecter négativement l'apparence des zones naturelles: une abondance de barrières, d'aires de stationnement et de poubelles ne contribuera pas à susciter une sensation de "naturel". Ils forgent un environnement "construit par l'homme", affaiblissant ainsi l'expérience de la pleine nature.

Pression sociale

Dans les démocraties européennes, la pression sociale ne peut pas être facilement "instrumentalisée" pour la mise en oeuvre de politiques (comme ce pouvait être le cas dans la Chine de Mao).

Cependant, la pression sociale peut être prise en considération au moment de concevoir des politiques parce que le poids de l'opinion peut fortement influencer le comportement humain. De façon moins directe, la pression sociale peut toujours jouer un rôle important lorsque combinée avec d'autres modes d'action politique. Ceci est  particulièrement le cas lorsqu'elle est associée à la communication. Plusieurs théories socio-psychologiques voient dans cette combinaison justement la principale cause des changements volontaires de comportement humain. Ces théories considèrent que lorsque une personne se pose la question d'un changement de comportement, elle évalue les arguments fournis en faveur du changement de comportement (communication), mais prendra aussi en compte "ce qu'en pensent les autres" (pression sociale).

Argent

l'argent est théoriquement un très puissant instrument pour induire un certain type de comportement. Si vous désirez que les agriculteurs plantent et entretiennent des arbres autour de leurs terres, les payer pour cela peut être une bonne motivation. Les agriculteurs peuvent même être payés pour chaque oiseau ou plante rare qu'ils trouveront sur leurs terres. Dans ce cas, ils obtiennent une somme d'argent pour la nature qu'ils ont "produite". Mais pour que ces stratégies soient efficaces, cet argent doit être disponible: l'histoire s'arrête avant dans la plupart des cas! Malgré tout, il s'agit d'un instrument prometteur au service des politiques de conservation de la nature, qui mérite qu'on lui accorde de l'attention.

L'argent peut aussi être introduit pour prévenir des comportements indésirables. Une entrée payante fera diminuer le nombre de touristes qui se rendront dans une zone naturelle trop fréquentée et les pouvoirs publics peuvent imposer des taxes pour l'utilisation d'insecticides nocifs. Efficace comme peut l'être un instrument financier, il requiert un lourd travail d'administration dont la surveillance du flux monétaire est la partie la plus importante. Il peut donc représenter un instrument assez coûteux à mettre en oeuvre.

Communication

Voir aussi
1.6.5

Nous y voilà. La communication peut être utilisée comme instrument d'une politique de trois façons différentes :

La communication peut soutenir d'autres instruments et aider à améliorer leur efficacité. En fait, aucun instrument ne peut être pleinement efficace sans communication. Ne serait-ce que parce que les gens doivent être informés de l'existence de ces autres instruments; ils doivent être informés des lois, des subventions et des dispositifs.

La communication est toujours inhérente aux instruments, que nous l'ayons programmée ou non. Une réglementation "forte", ou une loi, communique que l'émetteur (le gouvernement) considère une question comme très importante. Demander un prix d'entrée élevé dans un parc national peut communiquer que la nature "n'est accessible qu'aux riches". Lors de l'élaboration d'une politique, il est très important de déterminer les conséquences en termes de communication qu'entraînera tel ou tel instrument du point de vue du groupe cible.

La communication peut être un instrument en soi. A travers les campagnes de communication bien programmées et développées de façon professionnelle, les décideurs tentent d'influer sur les connaissances et attitudes des personnes dont ils veulent modifier le comportement. Par exemple: nous pouvons expliquer aux visiteurs d'une zone naturelle l'importance de ne pas perturber les lieux de nidification des oiseaux et les persuader de prendre ceci en considération. Cette stratégie ne manque pas de mérite, mais comme nous verrons, elle souffre de sévères limitations.

Il est rare qu'un choix ne soit effectué qu'en fonction d'un seul mode d'action politique. Généralement, les décideurs choisissent une combinaison où la faiblesse de l'un est compensée par la force des autres.

2.1.2 Causes des problèmes - Solutions aux problèmes

Elaboration de politiques et choix des instruments pour ces politiques

• Définir le problème par rapport à la qualité de la nature;

• Déterminer s'il existe une  possibilité générale de changement;

• Analyser les relations de cause à effet entre ces problèmes et les difficultés de la protection et/ou de l'amélioration de la nature;

• Définir le rôle du comportement humain dans ces relations;

• Définir les buts de la politique;

• Définir les modes d'action de la politique;

• Définir la fonction de la communication dans le dosage des instruments ou modes d'action.
 

Le choix d'une association de modes d'action est l'aboutissement d'un processus qui commence avec la reconnaissance d'un problème de société. Dans notre cas, le problème est la détérioration de la nature. Les problèmes concernant la nature arrivent souvent dans l'agenda des hommes politiques et des décideurs grâce aux efforts des ONG ou par l'attention que leur ont accordée les médias.

Tout comme la plupart des êtres humains, les décideurs n'aiment pas parler des problèmes pour lesquels ils ne voient aucune solution viable. En d'autres mots: ils ne discutent que des problèmes sérieux sur les-quels ils voient une chance de pouvoir agir. Ainsi, lorsque les décideurs admettent que quelque chose ne va pas et que cela pose problème, c'est généralement qu'ils ont déjà une idée de ce qui doit être fait.

 

Les solutions aux problèmes sont liées à leurs causes. Quiconque veut développer des politiques efficaces à l'égard de la nature doit identifier les causes du problème qu'il a à traiter. Létape suivante est de définir de quelle façon ce problème est provoqué ou influencé par le comportement humain. Nous devons connaître très précisément quelle relation existe entre ce comportement et la détérioration de la nature (ou l'échec des plans d'amélioration de la qualité de la nature) et quelles personnes ou groupes de personnes sont impliqués. Une fois que nous saurons cela, nous pourrons formuler les buts de la politique et décider de quelle façon le comportement de certains groupes doit changer. A partir de là, nous pourrons réfléchir à un dosage d'instruments efficace pour mener à bien ce changement de comportement.

2.1.3 La communication comme instrument d'une politique : quand l'utiliser et ce qu'elle permet d'obtenir

En tant qu'instrument d'une politique, la communication peut servir différents buts.

Nous avons déjà mentionné qu'un but important de la communication est d'informer sur les autres modes d'action de cette politique. Si les gens veulent connaître les plans en matière d'environnement destinés à leur région, ils auront là une occasion d'obtenir des informations.

La communication sur la nature et sur les politiques la concernant peut aussi jouer un rôle important pour attirer l'attention et lancer un débat public. Cependant, un signe d'intérêt ou un débat ne signifie pas que les plans ou idées spécifiques sur cette question remportent l'adhésion. On doit cerner les questions à traiter au début du processus d'élaboration d'une politique. Un tel débat n'est plus souhaitable lorsque des plans d'action détaillés ont été formulés et que plus rien ne peut être changé.
La communication est aussi fréquemment utilisée pour demander un soutien pour la mise en oeuvre d'une politique.

Les campagnes de communication en matière de conservation de la nature sont généralement lancées pour atteindre un ou plusieurs de ces buts. Ces campagnes visent à générer de la compréhension et du soutien à l'égard des politiques sur la nature existantes ou programmées. Elles peuvent aussi être lancées pour modifier le comportement de groupes spécifiques (par exemple, propriétaires fonciers, agriculteurs, citadins ou touristes) en persuadant ces groupes que ces politiques et changements de comportement sont à leur avantage. Ceci est une utilisation instrumentale de la communication.

2.1.4 Développer une campagne de communication instrumentale

Une campagne de communication efficace requiert une réflexion systématique et une prise de décision harmonieuse en ce qui concerne cinq éléments de base :

• définition du but,

• sélection du public ciblé,
• détermination du message,

• choix des moyens et des méthodes

• et organisation de la campagne.

Lorsque ces démarches ont été remplies, l'ensemble du processus doit être évalué. Développer une campagne de communication est un processus continu dans lequel les éléments doivent être combinés dans un programme défini et cohérent et assez précis pour guider l'action. (Ceci est plus amplement traité dans le chapitre 3.)

Le but

Voir aussi

3.2

Quels sont les buts que nous poursuivons avec l'aide de la communication ? Nous voulons souvent parvenir à différents types de changements dans le comportement humain mais devons être réalistes dans nos ambitions. Les gens modifient rarement leur comportement après une seule campagne de communication. Ceci ne se produit que lorsqu'ils avaient déjà plus ou moins l'intention de modifier leur comportement avant mais ne savaient pas que des possibilités concrètes de le faire existaient. (Par exemple: ils ont déjà réalisé l'importance du recyclage du verre mais ne savent pas où déposer leurs bouteilles vides). Normalement, les gens ont de bonnes raisons de se comporter d'une certaine façon - du moins, ces raisons leur semblent-elles bonnes - et il faudra plus d'une tentative pour les faire changer.

Le comportement à l'égard de la nature est lié au comportement dans bien d'autres domaines de la vie. Changer le comportement par rapport à la nature peut donc entraîner de grandes conséquences. La manière dont les agriculteurs traitent la nature fait partie des pratiques agricoles quotidiennes. Ceci est relié à leur conception de ce qu'un bon agriculteur doit faire: conduire ses terres de telle façon que - maintenant et dans le futur - elles puissent produire autant que possible. Cette idée de la bonne pratique agricole, forgée durant des générations, ne changera pas du jour au lendemain. Changer la façon dont ils exploitent la nature peut signifier changer entièrement leur notion des bonnes pratiques agricoles.
Il est possible de modifier un comportement avec l'aide de la communication, mais nous devons le faire étape par étape et ne pas nous montrer exagérément ambitieux. Retournons à l'exemple des agriculteurs: nous pourrions faire une campagne de communication pour persuader les agriculteurs de réserver au moins les marges de leurs terres à la nature. Ces bordures de champs et fossés pourront se transformer en habitats pour les fleurs sauvages ou les petits animaux, ou fonctionner comme des corridors écologiques. Dans des cas comme celui-ci, beaucoup peut être obtenu si nous étudions minutieusement les effets que la communication doit produire dans les esprits.

Le groupe-cible

Voir aussi
3.5

Il est déterminant de définir le groupe-cible à atteindre dans le public visé, puisque ceci détermine ce que nous voulons communiquer et comment. Lorsqu'il s'agit de communiquer à propos de politiques de conservation de la nature avec le grand public (en général moins affecté directement par ses conséquences), il est besoin d'une approche différente de celle employée pour les forestiers pour qui les politiques concernant la nature ont en général de plus lourds impacts. En distinguant entre différents groupes-cibles, différents objectifs de communication surgiront. Nous devons savoir que ces groupes-cibles ne sont pas homogènes. Il peut s'y trouver des différences d'opinion, d'attitude et de connaissances. Il est nécessaire d'explorer cette diversité. Souvent, il peut être utile d'impliquer des membres d'un groupe-cible dans la conception d'une activité de communication.

Détermination du message

Voir aussi
3.6

Déterminer le contenu du message requiert également une méticuleuse réflexion. Il doit tenir compte des connaissances acquises, du "monde de tous les jours" (l'environnement quotidien) et des expériences vécues par le groupe-cible. Si nous rencontrons des résistances et objections dans ce groupe-cible à l'encontre d'une politique proposée, nous devrons sérieusement prendre cela en compte. Si la résistance et les contre-arguments sont ignorés, le groupe-cible se fermera tout simplement à toute information ultérieure. Dans cette situation, des campagnes à sens unique et à grande échelle ne seront probablement pas très efficaces. Nous devrons explorer les possibilités d'une communication bilatérale (véritable dialogue), par exemple des discussions par petits groupes,

Utilisation de la communication comme instrument d'une politique; étude de cas au Canada
Elimination de l'utilisation de matériel de pêche contenant du plomb dans un parc national

Le problème
Cette étude de cas démontre que l'utilisation de programmes de communication constitue un appui à la mise en oeuvre des politiques. La recherche internationale a montré que les poids en plomb utilisés par les pêcheurs pour lester leurs fils de pêche sont toxiques pour le gibier d'eau lorsqu' ils sont ingérés. 
Des milliers d'oiseaux migrateurs meurent ou souffrent d'empoisonnement par le plomb chaque année au Canada. Les rapaces tels que les aigles meurent à leur tout aussi par empoisonnement secondaire, lorsque ces premiers oiseaux entrent dans leur nourriture. Parks Canada a voulu exercer un rôle moteur dans cette question environnementale. Le public méconnaissait largement le problème et d'autres options non toxiques n'étaient pas facilement disponibles.

Pour éliminer l'usage des poids en plomb dans les parcs nationaux, une modification des politiques et règlements était nécessaire. Il existait aussi un manque de compréhension de cette question de la part du public. Pour aider à la mise en oeuvre de la nouvelle politique et de la nouvelle réglementation de la pêche dans les parcs nationaux, un programme de communication a été appliqué.

Buts du programme
• Eliminer l'usage du matériel de pêche contenant du plomb dans les parcs nationaux canadiens;

• Développer la compréhension du public à l'égard des dangers du plomb dans l'environnement;

• Augmenter la disponibilité de matériel de substitution.

Message
Les oiseaux aquatiques sont empoisonnés par le plomb des poids perdus par les pêcheurs. Du matériel non toxique existe. Modifier la production, vendre et utiliser du matériel de pêche non toxique est relativement simple et peut être réalisé à très faible coût.

Public cible
• Visiteurs et pêcheurs dans le parc national;

• Conseil des parcs fédéraux/provinciaux;

• Détaillants et équipementiers des environs des parcs nationaux ;

• Fabricants et distributeurs d'articles de pêche.

Stratégie de communication
• Développer un programme national d'informationéducation;

• Déterminer des supports de communication: affiches, brochures,

annonces publiques, communiqués de presse, lettres, etc.

• Travailler avec le Canadian Wildlife Service et s'entendre sur la coopération pour l'information, le budget, la portée, la logistique, la création graphique et le texte.

• Travailler avec le personnel régional et le personnel de Parks Canada afin de les informer des actions proposées;

• Elaborer la stratégie de déroulement de la campagne d'information de sorte qu'elle intègre des consultations du public;

• Travailler avec les industriels et fournisseurs de produits de substitution: envoyer une lettre du ministère les informant du projet de nouvelle réglementation, trouver un sponsor pour un programme de distribution gratuite ou d'échange;

• Visiteurs et pêcheurs: informer par le biais de bulletins du parc et de guides de pêche, distribuer des brochures avec les licences de pêche, mettre en oeuvre les programmes d'échange de matériel;

• Conseil des parcs fédéraux/provinciaux : présenter les résu ltats du programme "plombs de pêche" du parc national et encourager les parcs provinciaux à faire de même;

• Réaliser le programme de communication et introduire progressivement la nouvelle réglementation sur une période de deux ans commençant en 1996;

• Evaluer l'efficacité du programme de communication.

Ce programme destiné à abolir progressivement l'utilisation des poids en plomb dans les parcs nationaux canadiens a été l'aboutissement d'un changement de politique appuyé scientifiquement qui a démontré les effets toxiques des poids en plomb sur le gibier d'eau. La mise en oeuvre de la nouvelle politique a demandé une nouvelle réglementation sur la pêche et une stratégie de communication visant à informer toutes les parties touchées par cette nouvelle réglementation. La consultation du public, du groupe-cible, des services, des fabricants et des distributeurs a permis une prise de conscience du problème. Des brochures, affiches, annonces publiques, réunions intergouvernementales et communiqués de presse ont été utilisés pour rendre publique cette nouvelle politique.

Une période d'introduction progressive et un programme d'échange gratuit du matériel de pêche ont fait partie de la stratégie de communication afin de garantir l'application la plus conforme possible. Depuis 1997, seuls des poids sans plomb sont utilisés dans les parcs nationaux canadiens. La mise en oeuvre de la nouvelle politique, en utilisant des programmes de communication, a été un succès.


Choix des méthodes : canaux et instruments

 

 

 

 

Voir aussi
3.7 et
3.8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir aussi
3.9

 

 

 

 

Quelles combinaison de méthodes de communication, canaux et supports est la meilleure pour être efficace? Pour réaliser un bon choix, nous devons connaître les possibilités et limites des différentes méthodes. En général, on peut distinguer deux types de méthodes: METHODES MEDIATIQUES et METHODES INTERPERSONNELLES.

Les méthodes médiatiques utilisent la radio, la télévision, la presse, les brochures, etc. Bien que leur coût puisse être élevé, elles s'avèrent relativement bon marché si l'on considère le nombre de personnes touchées par une seule action. Leur emploi rend toutefois très difficile d'être "en phase" avec un groupe cible particulier. Nous pouvons utiliser les médias :

• Pour inciter les gens à discuter d'une certaine question;

• Pour informer un grand nombre de personnes grâce à un seul message;

• Pour conduire les gens à prendre conscience d'un problème non encore résolu;

• Pour éveiller l'intérêt


• Pour induire un grand nombre de personnes préalablement motivées à changer de comportement.

Les méthodes interpersonnelles utilisent le dialogue en groupes plus ou moins grands. Les méthodes interpersonnelles sont relativement coûteuses mais elles permettent d'être "en phase" avec le groupe-cible. Nous pouvons utiliser les méthodes interpersonnelles :

• Pour recueillir des réactions directes du groupe-cible;

• Pour comprendre l'opinion des gens et sur quoi elle est fondée;

• Pour communiquer sur des questions délicates ou sensibles.

Organisation
Il est également nécessaire de veiller à la planification de l'organisation pratique de la campagne. Il faut décider des dispositions à prendre, du rôle que chacun devra jouer et à quel moment. Bien sûr, le budget et le personnel disponibles conditionne le niveau des objectifs pouvant être atteints, le choix des médias et le nombre de groupes-cibles.

Evaluation de l'activité de communication

Enfin, il faut dire quelques mots sur la nécessité d'évaluer l'activité de communication. Comment nous assurer de son impact ? Le nombre de brochures distribuées ne nous renseigne guère là-dessus. S'il fournit quelques indications sur les activités conduites par l'émetteur, il ne dit rien sur leurs récepteurs. Nous avons besoin de savoir combien de personnes ont lu la brochure et ce qu'elles ont pensé de son contenu. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer l'activité de communication. Un entretien approfondi avec des membres du groupe-cible en est une. Une autre consiste à susciter des réactions en retour, par exemple par le biais d'un numéro de téléphone ou d'un coupon-réponse dans la brochure. Dans une certaine mesure, le nombre et la nature de ces réactions nous informeront des effets de la communication.

2.1.5 Ce que la communication instrumentale ne peut pas réaliser

La communication en tant qu'instrument d'une politique a une image positive et procure un sentiment optimiste. En effet: pourquoi ne pas simplement dire aux gens" la vérité" et influer sur eux pour que leur changement de comportement soit motivé de l'intérieur et volontaire ? Les pages précédentes ont montré que tout n'est pas aussi simple. Rappelons que si - pour une raison quelconque - un groupe de personnes soulève de sérieuses objections contre une politique ou un plan spécifique, une communication qui ne viendrait qu'au terme du processus de conception de cette politique ne la leur fera pas plus accepter. L'exemple des Pays-Bas en est l'illustration, où les agriculteurs n'ont pas accepté le Plan de conservation de la nature lorsqu'il leur a été présenté comme un fait accompli.

Le Plan de conservation de la nature aux Pays-Bas : étude de cas
 

En 1990, le Parlement néerlandais a approuvé un Plan de conservation de la nature (PPN). Ce plan était conçu pour la protection et le développement de la nature aux Pays-Bas durant les trente prochaines années. 

Il était le résultat de fortes pressions des ONG dans le domaine de la conservation de la nature, celles-ci ayant réussi à influer sur le système politique et les pouvoirs publics. Un élément central du plan a été l'entretien d'un réseau de zones naturelles de grande valeur (nommé" structure écologique principale "). Dans ces zones, les agriculteurs ont été encouragés à restreindre certaines pratiques agricoles telles que le fauchage et l'utilisation de fertilisants. Des compensations financières leur ont été accordées pour la perte de production. Ils peuvent aussi vendre aux organisations de conservation de la nature des terres si celles-ci ont de la valeur de ce point de vue. Toutes les décisions sont volontaires: personne ne peut être forcé à vendre ou à signer un contrat de gestion imposant certaines restrictions. Cependant, en dépit de la bonne volonté du gouvernement à coopérer, l'ensemble des agriculteurs a rejeté le PPN. En conSéquence, ils ne réagissent pas de la manière voulue par le gouvernement: seuls quelques rares agriculteurs ont vendu une partie de leurs terres ou signé un contrat en faveur de la nature. Ces agriculteurs sont l'exception et ont négocié des terrains inaptes à une pratique agricole moderne.

Une étude approfondie a permis alors de comprendre pourquoi les agriculteurs avaient réagi ainsi. Une des premières leçons tirées de cette étude a été que la plupart des agriculteurs possédaient une approche très limitée de la gravité du problème posé à la nature. De leur point de vue, la nature c'est tout ce qui pousse, fleurit ou respire. Les concepts biologiques tels que les écosystèmes, la biodiversité ou les corridors écologiques, ne sont pas très parlants pour eux. La nature, telle que la perçoivent les agriculteurs, existe en dépit des (et parfois, grâce aux) pratiques agricoles. Leur nature va très bien !

Du point de vue des agriculteurs, il n'y a aucunement besoin de Plan de conservation de la nature. De plus, les agriculteurs néerlandais ont été confrontés à nombre de mesures restrictives durant les dix dernières années. Les mesures sur l'environnement les ont forcés à réaliser des changements 

considérables dans la gestion de leurs exploitations et à investir dans de coûteux bâtiments et machines afin de travailler dans le respect de la nature et égaIement, depuis peu, du bétail.

Le PPN est vu comme un élément d'une longue chaîne de restrictions et de réglementations dont on ne verra jamais la fin. Le fait que le gouvernement ait qualifié son plan de " volontaire" n'a rien arrangé. Les agriculteurs se sont sentis menacés par l'existence même du plan. En outre, pour la plupart, ils n'ont pas considéré que les mesures proposées étaient réalistes. Les agriculteurs qui gèrent des exploitations modernes préfèrent une nappe phréatique à des niveaux plus bas et des systèmes de fauchage différents de ceux préconisés par le PPN.

Enfin, la plupart des agriculteurs ne considère pas raisonnable d'être les seuls à porter le fardeau de la création d'un meilleur environnement naturel.

Ils pensent que les autres citoyens, en comparaison, ne sont pas du tout appelés à contribuer. Aux yeux des agriculteurs, ils ont été les seuls, pendant des générations, à être responsables de la création et du maintien de la beauté des paysages et de la nature.
Et maintenant, il faudrait qu'ils soient victimes de ce qu'ils ont eux-mêmes contribué à maintenir ?

Le problème général est que les agriculteurs et les écologistes ont des interprétations et des sentiments totalement différents concernant la nature et les politiques sur la nature. Les agriculteurs ne se retrouvent pas dans le Plan de conservation de la nature néerlandais. Ils possèdent des expériences différentes de la vie et du travail avec la nature et n'ont pas été impliqués dans la conception du plan. Comme bien d'autres documents politiques sur la conservation de la nature, le PPN a surtout été fondé sur des rapports de biologistes et d'écologistes soucieux du déclin de la qualité et de la diversité de la nature aux Pays-Bas.

Le plan lui-même concerne les plantes et les animaux, et ne tient pas compte de la perception des agriculteurs à l'égard de la nature; pourtant, l'application du plan semble, pour une bonne part, être justement l'affaire des agriculteurs. Ainsi, leur acceptation du Plan conditionne-t-elle le succès de sa mise en oeuvre.

 


Refus d'une politique

Les problèmes concernant l'acceptation (ou le refus) des politiques possèdent trois dimensions :

• Reconnaissance du problème;

• Reconnaissance du rôle des pouvoirs publics à l'égard du problème;

• Acceptation des mesures pour résoudre les problèmes. La question est de savoir si ces mesures sont acceptées parce qu'elles sont réalistes, efficaces et équitables (au regard de la distribution des bénéfices et des sacrifices consentis par les différents groupes).

Souvent, les décideurs partent de l'idée que l'acceptation des mesures est le point le plus important. Cependant, si un consensus n'est pas trouvé avec les groupes concernés à propos de la gravité du problème (ou même à propos de l'existence du problème), ou si le gouvernement n'est pas reconnu comme l'une des parties devant résoudre le problème, il est fort possible de ne jamais atteindre le stade où les mesures feront l'objet d'une discussion.

Refus d'une politique de protection de la nature

Nous devons comprendre que, de nos jours, les gouvernements et autres pouvoirs publics n'ont pas de "légitimité" allant de soi: ils ne sont plus obéis simplement parce qu'ils sont l'autorité, dotés du pouvoir de tout réglementer. Parce que les citoyens sont davantage émancipés et critiques que par le passé, les gouvernements ont à prouver la légitimité de chacune de leurs actions. Ils ont à "gagner" l'approbation et la confiance. Du point de vue des politiques de conservation de la nature, ceci peut être encore plus vrai dans certains pays européens où le sentiment de possession de la terre ("voici ma terre! ") est très fort.

Dans cette perspective d'acceptation des politiques sur la nature, la question soulevée est pourquoi le gouvernement néerlandais n'a-t-il pas commencé à communiquer avec les agriculteurs au sujet du PPN bien avant le moment de sa mise en oeuvre ? Si ces derniers avaient été impliqués dans la conception de cette politique, ils auraient été bien plus à même de comprendre les raisons ayant abouti à ce plan.

Et les décideurs auraient pu profiter des connaissances des agriculteurs sur la nature et de leur expérience des politiques antérieures en la matière. Le PPN aurait pu être différent, mais il aurait été soutenu et sa mise en oeuvre en aurait été facilitée d'autant.

Ceci nous conduit à considérer la communication comme un moyen pouvant être utilisé dans les processus de conception même de politiques. A côté de l'utilisation instrumentale de la communication pour promouvoir des plans qui ont déjà été élaborés, la communication peut jouer un rôle central dans l'élaboration de plans qui seront alors mieux acceptés par tous ceux qu'ils concerneront. Dans cette approche, le développement et la mise en place de politiques sur la nature sont vus comme le déroulement d'un processus de communication et de négociation entre différentes parties prenantes. Il s'agit d'un processus interactif d'élaboration de politiques.