1.6 - Lorsque les organisations communiquent : erreurs fréquemment commises

L'erreur la plus fréquente est de partir de nos propres besoins et de ne pas chercher à voir les choses du point de vue d'autrui.

mise à jour: 01/01/2002

 

Référentiel autocentré

Considérer la communication comme un instrument pour changer le monde

Choix erroné d'outils et méthodes

Eux et nous

Communication intentionnelle ou non-intentionnelle

Objectifs de communication conflictuels


Le résultat de la communication n'est pas toujours celui qui est attendu. Dans cette section, nous examinerons certaines erreurs fréquemment commises en matière de communication par les organisations.

1.6.1 Référentiel autocentré

L'erreur la plus fréquente est de partir de nos propres besoins et de ne pas chercher à voir les choses du point de vue d'autrui. Nous identifions ce que nous voulons communiquer, ciblons l'audience, préparons l'information et la diffusons. Si le message ne prend pas en compte (et ne respecte pas!) la façon dont les autres voient le monde, ceux-ci se demanderont en quoi le message reçu les regarde, ou pourquoi faire ce qui y est demandé. ~information a une bien meilleure chance d'être acceptée et utilisée lorsqu'elle a un rapport direct avec les besoins de l'audience ciblée, ces personnes pouvant l'appliquer d'une façon ou d'une autre dans leur vie quotidienne.

Les personnes, comme les organisations, regardent le monde (et elles-mêmes) selon leur propre point de vue. Elles ne voient que certains aspects de leur environnement et ce qu'elles voient est alors interprété de façon très spécifique. Si ce phénomène est vrai pour les individus, il possède une dimension supplémentaire pour les organisations. Lorsque ces dernières possèdent une structure figée, elles tendent à voir l'environnement comme stable et structuré - en accord avec leur propre structure. En réalité, l'environnement est dynamique et changeant. C'est ce qu'on appelle avoir un référentiel autocentré (ou auto-référentialité). ~organisation perçoit l'environnement comme elle se perçoit elle-même.

1.6.2 Considérer la communication comme un instrument pour changer le monde

C'est un autre obstacle à la communication, qu'on peut appeler le mode de pensée instrumental: une organisation voit son environnement comme un objet sur lequel elle peut influer. L:organisation se voit elle-même comme un moteur, tandis que les autres, à l'extérieur, sont ceux qu'elle doit mouvoir. La communication est une tentative, à sens unique, de modifier la pensée et le comportement des autres. Il n'y a aucune tentative d'établir un dialogue avec autrui, ni de comprendre la façon dont il voit le monde. La communication est entièrement fondée sur la transmission et non sur l'interactivité. Les autres ne sont pas censés posséder des avis intéressants sur les problèmes ou leurs solutions. Il n'est donc pas surprenant s'ils réagissent à cette attitude avec agacement (pour le moins).

La communication: plus qu'un simple processus de transmission
 

Nous communiquons souvent parce que nous voulons que notre interlocuteur modifie son comportement. Ceci n'est pas un processus en une seule étape. Adresser un seul message n'est pas suffisant.
Le message doit être entendu, compris et accepté avant qu'un changement quelconque dans le comportement ne puisse se produire. Et même ainsi, il n'est pas certain que le changement soit permanent.


Dire            Entendre

Entendre    Ecouter

Ecouter      Comprendre

Comprendre Accepter

Accepter     Agir

Agir            Poursuivre l'action

Quoique les trois premières étapes ne soient pas véritablement simples, il est possible à un émetteur de vérifier si le récepteur peut entendre ce qui est dit, s'il écoute et s'il comprend. L:émetteur peut demander un retour.

Les étapes suivantes - depuis la compréhension jusqu'à l'acceptation et à l'action - sont plus complexes. Dans la plupart des cas, il est aisé de voir pourquoi le récepteur n'accepte pas le changement de comportement proposé par l'émetteur. Cela peut aller à l'encontre de ses intérêts personnels, lui coûter de l'argent ou conduire à une perte de prestige. Parfois même, le récepteur ne sait pas très bien pourquoi il n'est pas d'accord avec ce que dit l'émetteur - "il sait juste que ça ne lui plaît pas". Les objections et résistances peuvent être liées à des craintes ou à des convictions profondément ancrées et difficiles à exprimer en mots.


En général, les gens sont davantage prêts à modifier leur comportement lorsque cela leur apporte un bénéfice concret et évident. Ce bénéfice n'a pas à être matériel ou financier. Un renforcement du prestige ou une élévation du statut social est aussi un bénéfice; vous le ressentirez comme une bonne chose pour vous-même parce que vous aurez "fait ce qu'il fallait faire". La communication qui vise le changement de comportement a plus de chances de succès lorsqu'elle montre clairement quels seront les bénéfices pour les récepteurs.


1.6.3 Choix erroné d'outils et méthodes

La façon dont vous appréhendez le processus de communication a une influence sur les moyens et méthodes que vous choisissez pour communiquer. Pour une communication fondée sur la transmission, vous pouvez choisir des moyens et méthodes qui ne vous placent pas directement en contact avec les destinataires de votre communication (on appelle cela les méthodes instrumentales) :

 

• Brochures et prospectus;
• Films et vidéos;
• Affiches;
• Enseignes et panneaux d'affichage;
• Livres et rapports;
• Lettres;
• CD-ROM;
• Emissions radio;
• Emissions télévisés.
  Voir aussi 3.8


Lorsque vous voyez la communication comme un processus interactif dans lequel les gens doivent se mettre d'accord sur leurs perceptions et idées, vous devez recourir aux moyens et méthodes qui rendront cela possible :

• Réunions;
• Appels téléphoniques;
• Conférences (Internet);
• Ateliers de travail;
• Tables rondes
  Voir aussi 3.8


Le choix des moyens de communication se porte souvent sur des moyens fondés sur la transmission tels que brochures, films vidéo, affiches, etc. Peut-être faisons-nous ce choix parce que :

  • Ces moyens nous sont davantage familiers;
  • Ils permettent une gestion plus simple du processus de communication - envoyer des brochures ou des lettres à une liste d'adresses, c'est relativement peu contraignant;
  • Ils nécessitent moins de temps et de ressources à court terme que la rencontre des gens face à face;
  • S'il s'agit de communiquer avec des "étrangers", nous pouvons nous sentir plus à l'aise avec une approche qui écarte le contact direct.

Attention: nous ne disons pas que les méthodes fondées sur la transmission n'ont pas leur utilité. Simplement, nous voulons faire remarquer qu'elles sont souvent choisies dans des situations où les méthodes interactives seraient plus efficaces. (Ceci est plus amplement traité dans le chapitre 3.)

Choix des instruments - un exemple
 
Un bon exemple pourrait être le cas d'une rencontre entre un agriculteur et un écologiste, Au cours de leur première entrevue, ils peuvent ne pas parvenir à une compréhension mutuelle de leurs convictions et systèmes de valeurs. Cependant, chacun aura appris quelque chose de l'autre qui sera ainsi incorporé à sa perceptions respective du monde. L'attitude et le point de vue se trouveront alors inévitablement modifiés.
Lors de la rencontre suivante, ils se montreront sans doute mutuellement moins hostiles et méfiants. Par la suite, les rencontres pourront déboucher, pour l'écologiste, sur une meilleure compréhension de l'économie des systèmes de production agricole, des besoins en machines agricoles et de la vie des animaux d'élevage. En acquérant des connaissances sur les besoins de la faune sauvage, l'agriculteur pourra aussi saisir que protéger la nature ne signifie pas conflit avec son exploitation agricole, mais que cela peut même la favoriser. Enfin, résultat d'une meilleure compréhension mutuelle de leurs positions, valeurs et convictions, ils pourront être à même de créer une situation permettant un travail commun.
Un résultat positif a été atteint par l'interaction et le dialogue.
Comparez cet exemple avec l'approche fondée sur la transmission.
Le gouvernement, après consultation des écologistes, rédige un nouveau projet de loi de protection des fossés et marais en raison de leur faune sauvage et de leur valeur paysagère. La zone est soigneusement identifiée et cartographiée par l'agence de conservation de la nature à partir des sentiers qui traversent ces terres, des photographies aériennes et des cartes. Un dossier est établi à l'adresse de tous les agriculteurs, contenant des instructions telles que : arrêt de l'application de fertilisants, du labour et du surpâturage des zones concernées. L'agriculteur demandera tout de suite: "Comment ma propriété a-telle été identifiée, d'où vient cette législation et pourquoi ma façon de conduire mes terres est-elle problématique ?" Il n'en résultera sûrement pas une confiance et une compréhension mutuelles, et le premier écologiste qui frappera à la porte de l'agriculteur connaîtra une réponse tout à fait prévisible. Il ne pourra jamais y avoir un dialogue productif. Nous pouvons tous, certainement, trouver nos propres exemples de cette approche. Les résultats sont rarement positifs pour la faune sauvage.


1.6.4 Eux et nous
 


Voir aussi 3.5
 
Problèmes de communication entre "ceux de chez nous" et "ceux d'ailleurs" : croire que nous les connaissons, "eux"

Par exemple, nous rencontrons une personne qui nous dit avoir acheté un chien. Probablement, nous nous ferons une idée du genre de chien qu'elle a pu acheter en nous fondant sur notre expérience des "gens comme eux". Nous nous attendons sûrement à voir les punks acheter un rotweiler ou un pit bull, alors qu'une vieille dame choisirait un caniche. Imaginez notre surprise lorsque l'inverse survient. Tout au moins, devrons-nous réviser nos valeurs et nos convictions.

Nous tendons à diviser le monde en "ceux de chez nous" et "ceux d'ailleurs", "nous" et "eux". Ceux "de chez nous", sont ceux qui se "connaissent" les uns les autres d'une manière ou d'une autre. Leurs perceptions du monde (ou de certains aspects du monde) sont similaires et leurs réactions et convictions sont donc plus prévisibles pour leurs pairs. Le groupe "de chez nous" peut être restreint (une famille) ou large (personnes ayant suivi les mêmes études ou la même formation professionnelle, possédant la même nationalité ou la même religion) . Nous pouvons connaître quelque chose de ceux "d'ailleurs" (ou du moins penser qu'il en est ainsi ... l. mais nous ne faisons pas partie de leur groupe et ils ne font pas partie du nôtre. Il peut exister, ou non, des idées et valeurs communes, mais nous ne voyons pas le monde exactement de la même façon. Parfois, nous ne parlons même pas, littéralement, la même langue. Nombre de groupes développent une langue qui leur est propre: les dialectes locaux en sont un bon exemple, comme aussi le jargon technique ou professionnel ou encore l'argot. En particulier au cours des luttes pour le pouvoir ou les conflits, les groupes développent des images très distordues d'autrui. Le processus normal veut que l'image que nous avons "d'eux" soit fondée sur leurs pires comportements, alors que l'image que nous avons de nous-mêmes est fondée sur nos meilleurs comportements. Si nous ne faisons pas d'effort pour savoir ce que les autres sont réellement et comment ils voient le monde, les chances de communiquer avec succès seront infimes. Nous devons comprendre que la langue de leur groupe et celle du nôtre peuvent être très différentes. Plus important encore: acceptel' que ce que nous pensons connaître d'eux puisse s'avérer erroné.

1.6.5 Communication intentionnelle ou non-intentionnelle

Il existe encore une raison pour que la communication, parfois, ne produise pas l'effet attendu. Un des aspects de la communication est le message concret que nous voulons transmettre. Mais en marge du message "intentionnel", il se développe en général, parallèlement, un message non-intentionnel . Avec les messages intentionnels, nous transmettons aussi des signaux dont nous n'avons pas conscience la plupart du temps. Nous communiquons énormément d'éléments à travers le "langage du corps", par le biais de l'habillement, de l'odeur, de la façon de décorer notre bureau. Ces signaux peuvent soit renforcer, soit contredire le message. Si notre message verbal est griffonné sur un morceau de papier barbouillé de café, il transmettra - quoi qu'expriment les mots - que nous n'accordons pas une grande importance au message ou à son destinataire. La communication non-intentionnelle s'opère d'autant plus que l'on traite avec "ceux d'ailleurs" qui possèdent une interprétation différente par rapport au type de voiture que l'on conduit, aux habits que l'on porte ou au logo qui nous représente.

1.6.6 Objectifs de communication conflictuels

Les valeurs, convictions, connaissances et langues des différents individus peuvent entrer en conflit, tout comme leurs buts de communication. Une première entrevue entre un représentant du gouvernement et le propriétaire d'une forêt peut être vue par le représentant comme une rencontre informelle "pour commencer à se connaître", une occasion d'établir les bases d'une future coopération et de relations de confiance. Cependant, le propriétaire peut considérer cette rencontre comme une réunion formelle pour discuter de l'aide financière à ses projets d'exploitation forestière durable. La communication risque de devenir difficile : tous deux tenteront de conduire la conversation vers une certaine direction et il y a de bonnes chances que tous deux se sentent frustrés à la fin de la rencontre.