2.2 - Elaboration interactive de politiques

mise à jour: 01/01/2002

 

Définition

Elaboration interactive de politiques: possibilité et nécessité

Les avantages de l'élaboration interactive de politiques

Elaboration interactive de politiques : quand y faire appel ?

Créer les bonnes conditions pour l'élaboration interactive d'une politique

La place de l'interactivité dans le cycle politique

Communication, négociation et élaboration de politiques



2.2.1 Définition

Voir aussi
3.8

Le fondement de l'élaboration interactive des politiques est de rendre possible un processus où les parties prenantes - tous ceux qui sont impliqués ou concernés par ces politiques - négocient et trouvent une issue dans des politiques qui sont acceptables pour eux tous. Pour les politiques qui concernent la nature, les parties prenantes qui viennent immédiatement à l'esprit sont les directions de conservation de la nature dépendant de l'État les ONG consacrées à la conservation de la nature, les agriculteurs, exploitants de forêts, habitants des régions de grande valeur naturelle et les pouvoirs publics à différents niveaux. (Voir le chapitre 3 pour une liste complète des parties prenantes possibles en matière de nature.) Impliquer tous ces groupes dans l'élaboration d'une politique est un véritable défi. La base pour cela est la reconnaissance d'une dépendance mutuelle. Toutes les parties prenantes doivent reconnaître qu'elles ont besoin "des autres" pour atteindre leurs buts. Ceci conduit à impliquer ces "autres" dans le développement de la politique. Nous approfondirons plus loin cette question.

Dépendance mutuelle : un exemple au Pays-Bas
 

Durant la mise en oeuvre du Plan de conservation de la nature, le gouvernement néerlandais a rencontré une forte résistance de la part de la communauté agricole. Mais sans l'appui des agriculteurs, les belles idées du plan ne deviendront jamais une réalité. Le gouvernement est ainsi dépendant de la coopération des agriculteurs.

Les agriculteurs, pour leur part, sont de plus en plus conscients que la société exprime une très forte demande en zones naturelles de haute qualité et  environnement correct. Ils sentent bien aussi que la société les considère responsables de la destruction de cet environnement. En réponse à cela, des coopératives locales d'agriculteurs respectueuses de l'environnement ont surgi

partout aux Pays Bas. Les agriculteurs ressentent le besoin de communiquer avec le gouvernement et avec les autres organisations concernées pour s'impliquer eux-mêmes dans le développement des politiques sur l'environnement du moment que celles-ci concernent les pratiques agricoles. Les agriculteurs ont appris que, s'ils ne prennent pas les choses en main, elles se feront sans eux et leur situation sera pire qu'auparavant.

Ainsi, l'État comme les agriculteurs ressentent leur mutuelle dépendance. Chez les deux parties, un problème existe, et chacune voit l'autre comme faisant partie du problème. Le résultat est que toutes deux sont à la recherche de nouvelles possibilités de communication.

 


2.2.2 Elaboration interactive de politiques: possibilité et nécessité

Un argument souvent entendu contre l'élaboration interactive de politiques est que les objectifs initiaux de conservation de la nature s'en trouvent dilués. Les écologistes expliquent que le problème du déclin de la nature ne sera jamais résolu si d'autres groupes sont impliqués dans le développement des politiques sur l'environnement. Ils pensent qu'en acceptant les diverses parties prenantes comme partenaires dans la discussion, on n'abouti qu'à des" compromis" qui affaiblissent la qualité des politiques de conservation.

Nous devons nous interroger pour déterminer dans quelle mesure cette crainte n'est pas fondée sur des préjugés touchant, par exemple, à l'intérêt que portent les agriculteurs à la nature. Impliquer les agriculteurs permet de mettre en évidence leurs buts et intérêts concernant leurs moyens d'existence et la façon dont ils entendent gérer leur exploitation. Ceci peut conduire à une discussion très fructueuse du point de vue du développement des politiques en faveur de la nature.

En outre, dans bien des cas et spécialement dans ceux qui concernent l'aménagement du territoire, l'élaboration de politiques devient le seul moyen possible d'atteindre tout résultat. Comme nous l'avons déjà noté au début de ce chapitre, les problèmes de la nature sont causés par le comportement d'un grand nombre de différents groupes de personnes. Ces problèmes ne peuvent être résolus par les seuls biologistes et écologistes.

L'Autorité en charge de la Réserve de la biosphère du delta du Danube - étude de cas
 

L'Autorité en charge de la Réserve de la biosphère du delta du Danube (Danube Delta Biosphere Reserve Authority - DDBRA) est une organisation travaillant dans le domaine de la protection de la nature en Roumanie. La DDBRA a été fondée en 1990, lorsque le delta du Danube, ses eaux limitrophes et ses rives (500 000 hectares) ont été déclarées Réserve de la biosphère. Le delta du Danube constitue la plus grande zone humide d'eau douce d'Europe. Sa  biodiversité présente une importance nationale et internationale et la gestion de ses ressources naturelles (en particulier la pêche) assure la subsistance d'une population permanente de 15 000 personnes.

Cependant, les récents changements de politique ont abouti à la détérioration de la situation économique de nombreux habitants du delta et à la diminution des subventions accordées à la DDBRA. Dans 

certains cas. ceci a entraîné une attitude négative de la part de la population locale vis-à-vis de la DDBRA en tant que gestionnaire et une réduction de son efficacité en tant qu'autorité de conservation. Si elle veut atteindre ses objectifs principaux, la DDBRA. devra identifier et démontrer clairement les liens entre conservation et utilisation durable des ressources naturelles de la Réserve de la biosphère, grâce à :

• l'amélioration des conditions économiques des communautés locales et autres parties prenantes dont les activités ont un impact sur le delta;

• des avantages économiques, culturels et écologiques au niveau national, et probablement aussi au niveau mondial. Ceci nécessite un processus de consultation et de communication.

(Source: Danube Delta Biosphere Reserve Authority, 1999.)


2.2.3 Les avantages de l'élaboration interactive de politiques

Il résulte plusieurs avantages du fait d'impliquer les principales parties prenantes dans le développement des politiques, en particulier lorsqu'on compare ce développement à celui réalisé "à huis clos":

  • Les intérêts, buts et expériences des différentes parties prenantes qui pourraient sérieusement entraver la mise en oeuvre de politiques seront très tôt mis au jour de sorte qu'ils pourront être négociés de façon beaucoup plus efficace;
  • Des problèmes qui semblent distincts (tels que problèmes agricoles, écologiques ou concernant l'eau) peuvent être reliés et résolus en relation les uns avec les autres. Ainsi, les solutions apportées à l'une des parties ne constitueront pas automatiquement un problème pour l'autre;
  • Les bonnes idées "de terrain" exprimées par différentes parties prenantes pourront être intégrées au lieu de se trouver isolées ou négligées;
  • Le soutien des parties prenantes se développera tout au long du processus de construction de la politique (au lieu d'être "créé" a posteriori). Un grand nombre de parties prenantes acquerront des connaissances sur la valeur de la nature en discutant autour d'un plan commun.

2.2.4 Elaboration interactive de politiques : quand y faire appel ?

L'élaboration interactive n'est pas la solution pour tout problème de développement et de mise en oeuvre de politiques. En fait, cette méthode comporte des problèmes propres que nous verrons par la suite. Mais, mis à part cet aspect, les situations ne sont pas toutes propices à un tel processus. Diverses théories relatives à la communication et à la négociation, ainsi que les expériences pratiques dans le domaine de l'aménagement du territoire, nous apprennent que les gens ne commencent à communiquer et à négocier que dans certaines circonstances :

Conscience d'un problème : aussi longtemps que les gens n'ont pas conscience de constituer une partie prenante d'un problème ou question spécifique, rien ne peut se produire. Il ne sera pas possible d'entamer des négociations ou des discussions car, de leur point de vue, il n'y a rien à discuter.

Sentiment de dépendance mutuelle : en général, les gens ne commencent à négocier avec d'autres que s'ils possèdent un objectif spécifique et réalisent qu'ils ont besoin des autres pour l'atteindre. S'ils pensent que les autres "n'ont rien à offrir", ou qu'ils n'ont eux-mêmes absolument aucune chance d'atteindre leur objectif, ils ne s'impliqueront pas. Une analyse des rapports de forces est donc nécessaire avant de lancer un processus interactif. Si le rapport de forces entre les différentes parties prenantes est franchement inégal, ce processus aboutira probablement à un échec.

Voir aussi
3.8
1.6.4 et
1.7.2

Occasions de communiquer : pour que l'élaboration interactive de politiques aboutisse, des occasions concrètes de communiquer doivent exister (par exemple: réunions, ateliers, tables rondes). Il faut donc disposer de suffisamment de temps et d'argent pour organiser de telles rencontres. Il faut aussi qu'au cours de ces rencontres, on utilise le même langage afin de pouvoir interpréter les concepts importants de la même façon. Ceci est souvent un problème. Les chasseurs, par exemple, ont souvent par rapport aux écologistes une approche différente des concepts (tels que la biodiversité ou même la "nature"), qu'il s'agisse directement de la nature ou des politiques sur la nature. Apprendre à parler le même langage peut aussi constituer un objectif de négociation !

2.2.5 Créer les bonnes conditions pour l'élaboration interactive d'une politique

Voir aussi
3.8
Changement des conditions : un exemple au Pays-Bas

Parfois, créer les bonnes conditions pour se lancer dans une démarche interactive n'est qu'une question de moment. Les circonstances sont en perpétuel changement. Aux Pays Bas, par exemple, les agriculteurs  l'ont pas ressenti le besoin, au début, de communiquer avec le gouvernement ou les écologistes (" tant que nous n'y sommes pas obligés, nous ne ferons rien "). Cependant, au fur et à mesure, ils se sont sentis dans une position de plus en plus inconfortable, devant les critiques de la société qui les rendait responsables de "détruire la nature" et de "polluer l'environnement". Lorsqu'ils se sont sentis trop dépendants de l'image que leur renvoyait la société, ils ont commencé à s'organiser eux-mêmes au niveau local et régional afin de s'impliquer dans le processus de développement de politiques qui associent l'aménagement du territoire et les intérêts de l'agriculture aux intérêts de l'écologie et de l'environnement.

Lorsque les conditions pour un processus interactif n'existent pas, il faudra essayer de les "créer".

Motiver la prise de conscience du problème

Si les gens n'ont pas conscience de se trouver dans une situation problématique, on peut tenter de leur en faire prendre conscience grâce à la communication. Il faut alors prendre en compte que les gens en général n'aiment pas être conscients des problèmes pour lesquels ils n'ont pas de solution. Il est important de les convaincre qu'il est possible de trouver des solutions acceptables. Ceci n'est absolument pas la même chose que de les convaincre d'adopter une solution particulière !

Stimuler le sentiment de dépendance mutuelle

Lorsque les rapports de forces entre parties prenantes sont inégaux, nous pouvons imaginer des possibilités pour renforcer les "plus faibles" de sorte qu'ils aient quelque chose à offrir dans le processus de négociation. Par exemple, des agriculteurs individuels peuvent renforcer leur pouvoir en se regroupant. Les organisations de conservation de la nature peuvent renforcer le leur en rassemblant des fonds (au niveau national et européen), ce qui leur permettra d'organiser un processus de négociation favorable puisqu'elles ont "quelque chose à offrir" aux autres parties prenantes.

Créer des occasions de communiquer

Des fonds peuvent être obtenus auprès d'organisations nationales ou internationales afin de créer des occasions concrètes de communiquer et de soutenir ainsi le processus interactif. En général, l'approche interactive appelle des séances relativement fréquentes dans lesquelles un petit nombre d'acteurs ("représentants") sont impliqués. Mais ces représentants doivent constamment communiquer avec leurs mandants et ce processus de consultation devra être également soutenu financièrement.

2.2.6 La place de l'interactivité dans le cycle politique

Voir aussi
3.8

Une démarche politique (le cycle politique) comprend cinq phases :

• Reconnaissance d'un problème;

• Analyse du problème (causes, parties impliquées, intérêts des parties impliquées, relation avec les autres problèmes);

• Examen des solutions (rapprochement des différents intérêts des parties prenantes, recherche des ressources nécessaires, examen des avantages des différents instruments d'une politique);

• Mise en oeuvre, suivi et évaluation du processus de résolution du problème;

• Reconnaissance de problèmes supplémentaires ou nouveaux.

La démarche interactive peut être utilisée démarrée à différents moments durant le cycle politique et peut impliquer différents types de parties prenantes et servir différents buts.

Reconnaissance du problème

Les problèmes de société sont souvent reconnus dans des secteurs ou des disciplines spécifiques: les biologistes et écologistes nous avertissent des problèmes concernant la nature ou la biodiversité; les agronomes et les agriculteurs nous informent des problèmes agricoles; les hydrologues signalent les problèmes relatifs à l'eau . Les représentants de ces mêmes différents secteurs ont souvent aussi des solutions spécifiques à proposer. Cependant, ces solutions sont probablement cause de problèmes pour les autres secteurs. Comme nous l'avons déjà noté, résoudre les problèmes de la nature nécessite un changement de comportement de la part des différents groupes. L'élaboration interactive de politiques doit commencer par dresser l'inventaire des groupes concernés et par les informer du problème en jeu. Ces groupes doivent être impliqués dans le processus depuis le début.

Analyse du problème

Pour analyser le problème dans un contexte plus large, un débat public peut être organisé qui englobera l'ensemble des intéressés. A priori il peut s'agir d'une réunion publique ou d'une discussion dans les médias. Dans un échange public, différents points de vue seront apportés à la discussion. Le processus peut aider à découvrir si le problème est lié à d'autres et à identifier les principales parties prenantes.

Examen des solutions

Pour examiner des solutions, il est nécessaire d'établir une communication intensive avec les parties prenantes. A cette étape, diverses questions importantes doivent être discutées et trouver une réponse: quel type de comportement est souhaitable et de la part de qui ? Quels sont les intérêts, buts, expériences et craintes des parties prenantes et comment les relier aux solutions possibles ? Que pouvons-nous offrir afin d'inciter les parties prenantes à coopérer ? Les parties prenantes ont-elles des idées intéressantes quant à la solution du problème ? Des négociations et consultations à différents niveaux peuvent être alors organisées afin de trouver des solutions efficaces et acceptables.

C'est le moment approprié pour susciter des occasions de communication entre les parties prenantes régionales ou locales afin d'échanger et de négocier sur de possibles solutions pour leur propre région. A cette étape, il peut être utile d'associer des professionnels de la communication non impliqués dans le débat pour conduire les discussions.

Mise en oeuvre et suivi du processus de résolution du problème

Une fois la solution examinée et un consensus trouvé entre les parties prenantes sur la façon d'avancer, la mise en oeuvre des solutions doit être constamment suivie. Comme les choses changent en permanence (" les solutions d'aujourd'hui sont les problèmes de demain "), de nouveaux problèmes, mais aussi des occasions inattendues, se présenteront. Porter une attention soutenue à tout ce qui se produit sur le terrain est nécessaire pour saisir les occasions qui s'offriront à vous. Le processus de mise en oeuvre doit être régulièrement discuté par toutes les parties prenantes afin de le modifier le cas échéant.

Evaluation

Enfin, les résultats doivent être évalués. La question épineuse, ici, est de savoir ce qu'est vraiment un résultat positif. Aujourd'hui on pense qu'une politique peut être considérée efficace lorsque des résultats concrets et mesurables, très précisément définis à l'avance, ont été obtenus (par exemple: augmentation de 10 % du nombre de nids pour les oiseaux d'une zone déterminée). Toutefois si nous admettons que les politiques se mettent en place au fur et à mesure de la communication et de la négociation entre les différentes parties prenantes concernées, on pourra admettre d'autres indicateurs de résultats.

Il serait plus réaliste de considérer toutes les étapes qui ont été acceptées et soutenues par l'ensemble des parties prenantes comme des résultats positifs au sein d'un processus conduisant graduellement vers une meilleur état de la nature. Par exemple: si les agriculteurs font de sérieux efforts pour protéger la nature sur leurs terres, à partir des lignes directrices développées lors d'un processus interactif, cette attitude positive à l'égard de la nature constituera un résultat favorable "intermédiaire".

L'augmentation de 10 % de la nidification des oiseaux n'est peut-être pas encore atteinte, mais nous sommes sur la bonne voie ! Un tel esprit quant à l'appréciation des résultats encouragera les gens à rester impliqués dans le processus. Il reste que la question de l'interprétation des résultats est très difficile, comme d'ailleurs de s'entendre là-dessus. En temps utile, une sérieuse discussion entre les parties prenantes à propos de la manière d'interpréter les résultats  important de le "fêter" d'une façon ou d'une autre afin d'encourager les participants.)

Reconnaissance de problèmes supplémentaires ou nouveaux

Bien des fois, les solutions s'accompagnent de nouveaux problèmes. Les choix se présentent comme de véritables dilemmes : chaque option entraîne avec elle des inconvénients pouvant devenir de nouveaux problèmes. Ces problèmes ne doivent pas être niés, au contraire. Mieux vaut même, si possible, les résoudre avant d'aller plus loin.

Tables rondes et ateliers: l'expérience slovène - étude de cas

Le ministère de l'Environnement de Slovénie, au cours de ces dernières années, a tenté l'expérience des tables rondes et ateliers pour créer un consensus sur les questions de conservation de la nature et pour renforcer l'implication de divers groupes importants concernés. Des ONG, des représentants d'autres ministères et les pouvoirs publics locaux et régionaux se sont réunis pour discuter de certaines questions, et parvenir à un accord sur les priorités et les actions à mener. L.:expérience slovène montre que les tables rondes sont très utiles pour obtenir une bonne vue d'ensemble des différentes opinions et perceptions du problème. Elles sont aussi utiles pour s'accorder sur les actions à poursuivre. Il s'est avéré que le processus se déroule de façon plus sereine lorsqu'un animateur impartial conduit les discussions. Cependant, les tables rondes doivent être inscrites dans un processus plus large de coopération qui doit être activement soutenu par la direction et le personnel de toutes les organisations participantes. Si la table ronde n'est qu'un événement isolé, il est fort à parier que rien ne changera vraiment et que la plupart des bonnes idées ne seront jamais appliquées.


2.2.7 Communication, négociation et élaboration de politiques

Comme nous l'avons noté à de multiples reprises, l'élaboration interactive d'une politique se base sur la reconnaissance d'une dépendance mutuelle. Lorsque les gens reconnaissent qu'ils ont besoin des autres pour atteindre leurs buts, ils ressentent le besoin de communiquer. La négociation est nécessaire s'il s'avère que les différents groupes présentent des conflits d'intérêt. L.:objectif en organisant un processus de négociation est de produire un meilleur plan ou une meilleure politique auxquels les différentes parties prenantes peuvent apporter un large soutien . Lorsque cela est atteint, la mise en oeuvre du plan en est facilitée d'autant.

Une négociation efficace aboutit à un compromis. Il existe différents styles de négociation ouvrant sur différents types de compromis :

Voir aussi
3.8

• La "négociation-répartition" a lieu lorsqu'il existe un seul gâteau à partager entre différentes personnes. Plus ma part sera grosse et plus la vôtre sera petite - à moins que nous ne trouvions comment agrandir le gâteau;

• La "négociation-intégration" a lieu lorsque plusieurs personnes prennent part à la confection du gâteau. Ses consommateurs sont directement impliqués dans la production du gâteau qu'ils désirent.

Dans la réalité quotidienne, nous rencontrons plutôt un mélange de ces deux types: le processus de négociation possède tout à la fois des caractéristiques de répartition et d'intégration.

Différences entre négociation-répartition et négociation-intégration

Dans une négociation, les participants partent de positions figées auxquelles ils sont résolument attachés. Il arrive souvent qu' ils exagèrent et demandent beaucoup, car ils savent qu'ils auront quelque chose à céder en échange. Dans une négociation-intégration, les participants partent d'un intérêt commun ou d'une idée partagée concernant le futur qu'ils désirent. Ils n'exagèrent pas en demandant plus que ce qu'ils ont aujourd'hui.

Lors des négociations-répartitions, les négociateurs gardent pour eux-mêmes leurs propres contexte et motivations sous-jacentes. Ils n'expriment pas leurs propres sentiments. Alors que dans des négociations-intégrations, ils sont ouverts et tentent de partager leurs sentiments, motivations, craintes, espoirs et intérêts avec les autres participants. Les négociations-répartitions usent de menaces. Les mandants (les personnes ou groupes représentés par les négociateurs) sont tenus en alerte à grand renfort d'images évoquant 'l'ennemi" afin de se trouver, si nécessaire, mobilisés dans l'action, eux aussi. Lors des négociations-intégrations, ces menaces sont minimisées et les relations entre les participants deviennent aussi bienveillantes et amicales que possible.

L'enquête factuelle commune, qui renvoie à la construction d'un savoir commun accepté par tous, est un phénomène habituel dans les négociations-intégrations, alors que cela est impossible dans les négociations-répartitions. Dans les négociations-intégrations, on s'intéresse aux conséquences que les solutions possibles peuvent avoir pour les autres et, plus important encore, on apprend à se voir soi-même à partir du point de vue d'autrui. On apprend à réfléchir dans une perspective sociale. De tels processus d'apprentissage sont absents des négociations-répartitions.

Styles de négociation

Distributif

• départ sur des positions figées

• fermés quant aux motivations et contexte

• aucune enquête factuelle commune

• demandes exagérées

• menaces

• aucune construction de relations

• aucun effet d'apprelltissage

• aucune intérêt pour les autres parties prenantes

Intégratif

• départ sur des intérêts et/ou visions à long terme

• ouverts

• enquete factuelle commune

• pas de demandes exagérées

• pas de menaces

• construction de relations

• effets d'apprentissage

• intérêt pour les autl'es parties prenantes


Négociations-répartitions ou négociations-intégrations : quand choisir l'une ou l'autre ?

Voir aussi
3.8

Dans certaines situations, il suffit de négociations-répartitions pour développer des compromis satisfaisants. C'est le cas, en particulier, des problèmes où de grands conflits d'intérêt ne sont pas en jeu. Parfois, les conditions pour un processus de négociation-intégration ne sont tout simplement pas réunies, par exemple lorsqu'un seul acteur domine le terrain. Cependant, dans des situations où les participants dépendent déjà l'un de l'autre pour obtenir un résultat (comme c'est souvent le cas avec les questions de conservation de la nature), un style de négociation-intégration semble le seul moyen Voir aussi 3.8 pour trouver des solutions durables aptes à satisfaire toutes les parties concernées. Autrement, nous serons toujours face à une situation où la solution pour les uns sera source de problèmes pour les autres et inversement. Ceci implique que chaque solution est, par essence, instable, et qu'elle peut être immédiatement attaquée par les autres parties dès qu'existe une opportunité d'en retirer de meilleurs avantages.

Problèmes de représentation

L'un des principaux obstacles qui empêchent de s'en tenir à la négociation-intégration, c'est le fait que dans les négociations il y a toujours plus de personnes concernées que de personnes réellement assises autour de la table. Les relations entre les représentants et leurs mandants (le groupe qu'ils représentent) sont d'une importance décisive pour la réussite. Les représentants peuvent jouer deux rôles. Ils peuvent agir pour promouvoir les intérêts particuliers de leurs mandants, ou bien ils peuvent agir comme agents du changement, de manière interne quant à leurs mandants et de manière externe quant aux autres parties prenantes. Pour le premier rôle, il existe une forte tendance vers la négociation-répartition: les représentants n'ont rien à offrir, seulement quelque chose à défendre. Pour le second rôle, les représentants tentent depuis le début d'impliquer tout le monde dans le processus, en s'assurant que chacun comprend l'autre et inversement.

Néanmoins, les représentants ont tendance à oublier qu'ils doivent négocier avec leurs mandants aussi bien qu'avec les autres parties prenantes. C'est là l'un des principaux pièges de la négociation en matière d'élaboration de politique interactive: les représentants tendent à agir tout simplement en tant que porte-parole de leurs mandants. Ils se rendent à la table de négociation avec des propositions précisément formulées et sans laisser aucune place à la négociation. Le fait est que ces mandants ont souvent une image très simpliste et stéréotypée des "opposants". Dans ces stéréotypes, les éléments négatifs dominent (" les écologistes préfèrent les plantes et les animaux aux gens "ou" les agriculteurs et les exploitants forestiers ne sont intéressés que par le profit "). Au cours des négociations, les représentants se trouvent eux-mêmes face à un dilemme: d'un côté, ils doivent essayer de satisfaire leurs mandants; de l'autre, ils ont besoin d'un peu de marge de manoeuvre afin d'obtenir un résultat constructif à la table de négociation.

Les représentants doivent communiquer et négocier avec leurs mandants tout comme avec les autres parties prenantes. Ce n'est qu'ainsi qu'ils pourront maintenir de bonnes relations avec leurs mandants, savoir ce qui est important pour eux, développer une image de confiance et, en même temps, créer assez d'espace pour la négociation constructive avec les autres parties prenantes.

Quatre lignes directrices pour de bonnes négociations

Les représentants, lors des négociations, doivent :


• Considérer leurs mandants comme des parties prenantes avec qui il faut aussi négocÎer;

• Etre réalistes avec leurs mandants (ne pas trop promettre);

• Eviter les mandats stricts de la part de leurs mandants;

• Ne pas communiquer seulement les résultats positifs, mais renseigner aussi les mandants sur le processus lui-même qui a (ou n'a pas) conduit aux résultats.

Une négociation constructive est un processus très intensif et difficile qui demande du temps, de la patience et des compétences non seulement en tant que communicateur et négociateur mais aussi dans les relations interpersonnelles. Tout cela peut sembler décourageant. Bien sûr, nous devons admettre que le négociateur parfait n'existe pas. Mais si on fait de son mieux, les résultats arrivent, pas à pas. Pour conclure cette section, voici quatre lignes directrices à caractère pratique pour des négociations constructives :

• Distinguer les personnes des problèmes. Ceci est plus facile lorsque vous connaissez les gens personnellement;

• Se concentrer sur les intérêts en jeu et non sur les positions. Soyez clair sur ce que vous voulez et, plus important encore, sur ce que vous ne voulez absolument pas. Essayez d'exprimer cela de façon claire pour toutes les parties prenantes;

• Imaginer des options conduisant à un bénéfice mutuel. La meilleure façon de trouver de telles options est de les rechercher avec les autres parties prenantes, de façon conjointe.

• Insister sur l'utilisation de critères objectifs. Pour créer un climat de négociation clair, honnête et marqué par l'acceptation mutuelle, ces critères doivent être discutés à l'avance avec toutes les parties concernées. (Fisher et Ury, 1981.)